Toute exposition révèle l'invisible dans le visible, dans ce monde en attente de beauté.


50 ANS DE PEINTURE A TRIGANCE



Le point de départ de cette exposition est la présence de six peintres tous diplômés des Beaux-arts, qui s'installent à Trigance durant les années 60, pour y peindre.

Pourquoi ce choix de lieu, de ce bout de sud, de ce village oublié, où rien n'appelle à la célébrité, et qui prédispose dans sa rigueur à la liberté absolue de créer, d'être: "Le génie du Lieu".

Pour qui exposer?

Pour vous trigançois, afin que vous soyez les premiers à vous approprier ce patrimoine.

Pour vous visiteurs.

Par la suite, cette exposition partira dans les musées de:

Draguignan 2011

Luxembourg 2012

Marseille 2013

Nous avons souhaité organiser notre regard sur eux et leurs œuvres, en allant de l'extérieur, du perçu, jusqu'à l'intime, à la rencontre.

Et leur rendre hommage, en montrant l'influence qu'ils ont eue sur le climat artistique de Trigance à partir de cinq rencontres, chaque jeudi de l'été, dans l'esprit d'un jubilé, d'une fête, de cette amitié qui fait les communautés.

Remerciements:

Anne-Marie Guyader

Robert Biagioli

Marcel Caula

Bernard Lattay

Christian et Juliette Meize

Dominique Mercy (Sculpteur)

Robert Patier

Illias Zdanevitch (Éditeur d'art)

Espace Culturel Artuby Verdon


50 ans de peinture à Trigance

Robert Biagioli





Marcel Caula


Anne-Marie Guyader



Bernard Lattay





Christian Meize




Juliette Meize






Robert Patier


Dominique Mercy


François Strady

Une Ecole de Trigance

Il y a dans l’histoire de l’art plusieurs exemples de modestes villages, dont le nom est devenu célèbre, parce qu’un groupe de peintres y avaient un jour élu domicile, et que certains d’entre eux, particulièrement talentueux, avaient accédé à la notoriété. Le terme d ‘Ecole, désigne parfois ces rassemblements d’artistes.

L’appellation Ecole ne désigne alors, ni un foyer d’enseignement, ni une communauté de style ou de doctrine, mais seulement un rassemblement d’artistes, qui finissent tous par bénéficier de la notoriété acquise par quelques uns et font accéder le village à la célébrité.

- Barbizon est devenu célèbre grâce au talent de quelques peintres : Corot, Rousseau, Millet, qui faisaient partie d’un groupe, appelé maintenant « Ecole de Barbizon ».

- Pont-Aven connaît maintenant une notoriété universelle, grâce aux séjours que firent Emile Bernard et surtout Paul Gauguin, parmi une colonie de peintres, qui bénéficient désormais de la prestigieuse appellation « Ecole de Pont-Aven ».

La Provence attire les artistes, les plus grands du XX° siècle sont venus s’y installer et y terminer leurs jours : tels Matisse, Picasso, Chagall, pour ne citer qu’eux.

Si l’on en croit le nombre d’expositions proposées chaque année dans la plupart des villages, la Provence serait une véritable pépinière d’artistes. Pendant plusieurs années, je me suis occupé de ce genre d’expositions, bien sympathiques au demeurant, dans le village de Seillans, pas très loin d’ici.

Les exposants sont des amateurs, plus ou moins éclairés, des retraités qui tentent de réaliser un vieux rêve, avec plus ou moins de bonheur, inspirés par leur enthousiasme pour la belle Provence. C’est un genre de peinture dans laquelle dominent les cyprès, les oliviers et les champs de lavande, Une peinture qu’un de mes amis, ‘psy’ parisien, appelle un peu méchamment de la « peinture à l’huile d’olive ».

Les vernissages sont l’occasion de joyeuses rencontres autour d’un verre de rosé. On discute de tout, sauf de peinture. Les œuvres, qu’on ne regarde guère, reçoivent les compliments convenus des familles et des amis. Ces manifestions sont bien sympathiques, mais ce n’est pas du tout de cela dont il est question ici, cet été. Il s’agit de tout autre chose.

Les oeuvres qui sont exposées ici émanent de véritables artistes. Si vous ne les connaissiez pas encore, c’est que leur discrétion n’avait d’égale que leur talent. Il est temps qu’ils sortent, de l’ombre. Dans les années 1940, s’installe déjà à Trigance, Iliazd Zdanevitch, un des plus grands éditeurs d’Art du XX° siècle.

Dans les années 60, six peintres et vingt ans plus tard un sculpteur s’étaient installés à Trigance. Comme ceux qui jadis avaient élu domicile à Barbizon et à Pont-Aven, ces artistes avaient choisi ce village oublié, désireux de trouver là une vie proche de la nature, de retrouver la pureté des origines, et d’échapper au modernisme stérilisant des grandes villes.

Loin de l’agitation touristique de la côte, le paysage vierge, fait de garrigues, de forêts, de rochers, l’antique village de Trigance, enroulé autour d’un éperon rocheux, dominé par son château moyenâgeux, offrait un berceau favorable à la liberté et à l’indépendance de leur activité créatrice.

Sans se concerter, ils avaient tous fait le choix de ce village oublié, de cet anti Saint-Paul-de-Vence, refusant les compromissions des milieux artistico-commerciaux de la côte, tournant le dos à ces galeries, qui proposent en abondance une peinture à effets faciles, laquelle n’est propre qu’à décorer les salles à manger (comme disait ironiquement Picasso) et à enrichir les revendeurs.

Il est bien difficile de définir ce qui caractérise un véritable artiste. Certes il y a la qualité de son travail, mais faut-il encore savoir juger de cette qualité, et tout jugement est sujet à caution. Il y a cependant, à mon avis deux critères irréfutables, deux critères qui, s’il ne sont pas suffisants, sont de toute façon indispensables et que l’on retrouve chez tous les vrais artistes.

Ces deux critères sont le travail et la culture.

Matisse, qui est entré en peinture seulement à l’age de 20 ans, est devenu un grand artiste à force de travail acharné. Picasso particulièrement doué dès son adolescence a cependant travaillé toute sa vie comme un forcené. L’un comme l’autre avaient fini par tout sacrifier de leur vie sentimentale, familiale et publique à la seule peinture. L’un comme l’autre, s’ils avaient révolutionné la création picturale, avaient néanmoins une connaissance approfondie des grands maîtres du passé, à force d’étudier, de reproduire leurs œuvres et de visiter les musées.

Leur culture dépassait l’univers de la peinture. Matisse était aussi musicien, il jouait parfaitement du violon, il s’intéressait aux grands poètes dont il a illustré plusieurs ouvrages et il connaissait Baudelaire par cœur. Picasso, fut l’ami d’Apollinaire et de Max Jacob. Il écrivit lui-même des poèmes apparentés à l’écriture automatique des surréalistes.

Ces artistes installés à Trigance, répondent à ces critères. Ils ont tous suivi une formation sérieuse. : formation technique, formation culturelle. Ils ont tous fait des études aux Beaux Arts (3 à l’École des Beaux Arts de Paris, 2 à l’École des Beaux Arts d’Angers, 1 à l’École des Beaux Arts de Nice) dont-ils sont diplômés. Ils ont exposé à Paris, en province et à l’étranger. Il ont collectionné les prix et les récompenses L’un est prix de Rome, Chevalier des Arts et Lettres Trois ont été enseignants. L’un d’entre eux est poète.

Tous ont une culture solide. J’ai été étonné, en discutant avec certains de l’étendue de cette culture. Ils sont familiers des grandes œuvres du passé, mais également des divers mouvements qui ont révolutionné l’art de peindre au début du XX° siècle. Le sculpteur, qui est passé par l’École Boule et les Arts Décoratifs de Paris, avant de s’initier à la fonderie, admire et cite Richard Serra, un des plus célèbres sculpteurs monumentaux contemporains.

Tous ont consacré leur vie à l’art. La création artistique étant l’essentiel de leurs préoccupations.

Ils ont chacun leur style et l’ensemble de leurs œuvres reflète, de façon originale et très personnelle, la diversité des principales tendances de l’art du XX° siècle: Fauvisme (Robert BIAGIOLI) - Postimpressionnisme (Marcel CAULA) - Abstraction lyrique (Robert PATIER, Bernard LATTAY et Marcel CAULA) - Abstraction géométrique (Marcel CAULA) - Néoréalisme : (Anne Marie GUYADER) - Modern Style (Juliette MEIZE).

Paysages, natures mortes, portraits, ils ont tous derrière eux une œuvre considérable, qui mérite d’être mieux connue et dans laquelle nous avons dû faire un choix, choix qui fut douloureux, tant il y avait d’œuvres de qualité.

Si Trigance a favorisé l’exercice de leur génie créateur, leur présence a incontestablement contribué à donner une nouvelle dimension au climat artistique du village. D’autres artistes sont venus exercer d’autres disciplines; des manifestations culturelles de qualité se sont multipliées.

Et tandis qu’on vient d’inaugurer à Vence, dans un nouveau musée, (Musée RETIF) une exposition intitulée : 50 ans de l’Ecole de Nice, je pense qu’il serait maintenant tout à fait légitime de parler, grâce à ces artistes, d’une Ecole de Trigance, comme on parle d’une Ecole de Barbizon ou d’une Ecole de Pont-Aven.